Si l’espèce humaine survit, les hommes du futur considéreront notre époque éclairée, j’imagine comme un véritable siècle d’obscurantisme. Ils sauront sans doute apprécier l’ironie de cette situation de manière plus amusante que nous. C’est de nous qu’ils riront. Ils sauront que ce que nous appelons la schizophrénie était l’une des formes sous lesquelles – souvent à travers des gens très ordinaires – la lumière a commencé à filtrer à travers les crevasses de nos esprits fermés. La folie n’est pas nécessairement une panne ; cela peut aussi être une percée… L’individu qui fait l’expérience transcendantale de la perte de l’ego peut et ne peut pas perdre l’équilibre, de plusieurs manières. Il peut alors être considéré comme fou. Mais être fou n’est pas forcément être malade, même si dans notre monde les deux termes sont devenus complémentaires… A partir du point de départ de notre pseudo-santé mentale, tout est équivoque. Cette santé n’est pas la vraie santé. La folie de nos patients est un produit de la destruction que nous leur imposons et qu’ils s’imposent à eux-mêmes. Personne ne peut imaginer que nous rencontrons une vraie folie, tout comme nous ne sommes pas vraiment sains d’esprit. La folie à laquelle nous avons affaire est un grossier déguisement, une fausse apparence, une caricature grotesque de ce que pourrait être la guérison naturelle de cette étrange intégration. La vraie santé mentale implique la dissolution de l’ego normal d’une manière ou d’une autre.
Extrait de : Ronald Laing, La politique de l’expérience
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